Monsieur le Ministre,

Dans notre pays, la violence intrafamiliale est un phénomène répandu qui touche en très grande majorité les femmes et impacte aussi les enfants en tant que témoins ou victimes. Ces derniers jours, plusieurs experts ont tiré la sonnette d’alarme quant à l’augmentation probable de ces violences dans les semaines à venir. La tension liée à la situation que nous vivons aujourd’hui, ajoutée à la promiscuité soudaine des membres d’une même famille, peuvent conduire à une apparition ou une aggravation des épisodes de violence au sein des foyers.

On sait que dans les pays les plus touchés par le COVID-19 le nombre de violences conjugales a explosé. Par exemple, en Chine, le nombre de cas de violences conjugales recensés en janvier 2020 était le double par rapport à la même période l’année précédente.

Aux-côtés des femmes, les enfants, personnes vulnérables, sont aussi en danger dans un foyer où les problèmes de violences sont récurrents et qui risquent de s’accroître pendant le confinement.

Monsieur le Ministre,

La lutte contre les violences intrafamiliales fait-elle partie des services prioritaires qui seront assurés pendant la crise ?

Quel signal avez-vous/allez-vous envoyer aux tribunaux, parquets et juges d’instruction en la matière ? Envisagez-vous d’émettre une directive de politique criminelle établissant que le suivi des plaintes pour violence fait partie des priorités ? Allez-vous vous assurer que les affaires urgentes en matière de violences intrafamiliales soient traitées par les tribunaux, par les juges d’instruction et par les parquets, notamment en ordonnant des mesures d’éloignement temporaire de l’auteur ?

Pourriez-vous vous assurer, en collaboration avec les communauté, que des places en refuges soient maintenues et créées en nombre suffisant ?

Merci, Monsieur le Ministre, pour vos réponses à mes questions.

Réponse du Ministre Geens, Commission Justice du 08/04/2020

La lutte contre la violence intrafamiliale et la violence à l’encontre des femmes restent une priorité pendant cette crise du coronavirus. La circulaire COL 4-2006 revue le 12/10/2015 en ce qui concerne la violence entre partenaires et la circulaire COL 18-2012 en ce qui concerne l’éloignement du domicile restent entièrement d’application. Les procureurs généraux, les procureurs du Roi et les magistrats ont été appelés à donner, vue la situation particulière, une priorité stricte à ces situations. Si nécessaire, des mesures d’éloignement du domicile seront prononcés et aussi des condamnations de privation de liberté.

Les parquets ne travaillent nullement en service réduit ou en effectifs réduits en ce qui concerne la répression, la détection, la poursuite et le jugement de ce type d’infractions. Ils assurent la continuité du traitement civil ou pénal de ces affaires.

Bien entendu ils respectent les principes et les exigences du droit pénal et de la procédure pénale tels que décrits dans notre droit interne et dans la convention internationale des droits de l’homme. Dès lors, cela s’applique également à la charge de la preuve comme étant un élément important des droits de la défense et des droits à un procès équitable.

Lors de la réunion de préparation de la conférence interministérielle du 02/04/2020 entre les cabinets des ministres fédéraux et des ministres des entités fédérées concernées par la question, les mesures suivantes ont été prises en la matière :

  • de manière préventive, les lignes d’aide sont renforcées et sont monitorées de sorte que l’on puisse adapter rapidement la demande
  • les centres de bien-être restent actifs dans l’offre aux victimes de violences familiales tant sur le plan téléphonique que via les autres canaux
  • l’accompagnement est poursuivi par les mêmes canaux afin de pouvoir donner un maximum de soutien
  • information quant à l’aide disponible que l’on peut retrouver sur le site https://www.we-access.eu/fr, lignes d’écoute dans 22 langues différentes sur https://www.luisterendeoren.be/fr/contact
  • les 3 centres de prise en charge des violences sexuelles restent ouverts 24h/24 et offrent également une permanence téléphonique
  • sur la base d’un suivi régulier des abris d’urgence disponibles, des solutions alternatives d’hébergement d’urgence sont recherchées pour les victimes avec ou sans enfants en fournissant l’accompagnement psycho-social nécessaire
  • dépôt des plaintes, poursuite, procès : approche prioritaire de ces violences.

Une nouvelle réunion de la Conférence interministérielle est prévue le 17 avril prochain.

 

Sur cette même question :

Question au SPOC : il est essentiel que les magistrats de référence (prévus par exemple dans COL 4/2006) continuent de suivre en priorité les dossiers concernant les violences intrafamiliales. Il doit y avoir un magistrat permanent pour les violences intrafamilialesSi les magistrats de référence ne peuvent plus suivre les violences intrafamiliales pour cause de maladie, un remplaçant peut-il être prévu?
 
Réponse 1 : Les dossiers auxquels il est fait référence continueront d’être traités en priorité. Cela a récemment été confirmé par le collège des procureurs généraux.

Les magistrats de référence au sein du ministère public font office de points de contact et d’experts pour les questions qui leur sont confiées, comme en l’occurrence la violence intrafamiliale. Sur la base de leur expertise et de leur expérience, ils traitent les dossiers criminels concrets de violence intra-familiale et assurent le suivi des dossiers de leurs collègues. Ils codirigent également la politique, tant au niveau local que du Centre national d’expertise pour les délits contre les personnes.

En plus du magistrat qui a le titre / qualité de magistrat de référence, il existe également d’autres magistrats du parquet qui se spécialisent en la matière, notamment par leur travail quotidien au sein du département qui traite et poursuit ces délits.

De plus, dans le cadre du service permanent 24h / 24 au sein de chaque parquet, il y a toujours un magistrat du parquet, à son tour, qui prend les décisions urgentes (en dehors des heures de travail). Étant donné que les délits mentionnés ici se produisent fréquemment, y compris le soir, la nuit et les week-ends, chaque magistrat du parquet est confronté à de tels délits. Il suit strictement les instructions et peut contacter le magistrat plus spécialisé.

Il n’y a donc pas de problème en cas d’absence temporaire du magistrat de référence. Les dossiers sont traités ultérieurement de manière spécialisée.

Réponse 2 : En ce qui concerne le dépôt de plaintes par les victimes de violence intrafamiliale, il est confirmé que la fonction d’accueil, y compris le traitement des victimes par la police (une fonction de base de la police), reste pleinement garantie.
Un service « en ligne » (cf. police sur internet) ou « à distance » ne va pas de soi pour ce type de plaintes, étant donné la nécessité d’un suivi immédiat (par exemple en cas de danger pour l’intégrité physique des colocataires) et donc la présence physique de la police. La victime doit également être interrogée sur les faits en fonction de la poursuite de la procédure pénale.
Les directives nécessaires ont été publiées afin que les commissions de police restent ouvertes à ce service fondamental au citoyen.
En ce qui concerne les parquets, les lignes directrices existantes sur la violence intrafamiliale continueront à être appliquées dans leur intégralité. Le suivi des plaintes pour violence conjugale ou autre violence domestique reste donc une priorité de la politique pénale, même en temps de pandémie de corona, conformément à la COL 4/2006 (révisée le 12 octobre 2015), et les parquets prennent les mesures nécessaires pour permettre une intervention urgente.
Les instruments disponibles à cette fin continueront d’être appliqués. Par exemple, l’ordonnance d’interdiction temporaire (conformément à la COL 18/2012 récemment révisée) peut être imposée ou, dans le cas de violences domestiques graves, le juge d’instruction peut être appréhendé immédiatement, en fonction de la détention provisoire (que ce soit ou non selon la modalité E.T. dans un autre lieu de résidence ou avec liberté sous conditions, par exemple l’ordonnance d’interdiction (conformément à la COL 18/2012 récemment révisée).
La présence importante de la police dans la rue pour le contrôle du respect des mesures corona renforce également le contrôle du respect des ordonnances de restriction par exemple.
Les procureurs et les magistrats spécialisés de référence du réseau d’experts « crimes contre les personnes » ont également été informés de la priorité par courrier électronique par le coordinateur principal dudit réseau d’experts et ont également été interrogés sur la situation sur le terrain (fluctuation des plaintes ou autres goulets d’étranglement).
Pour l’instant, il n’y a pas d’augmentation du nombre de dossiers au niveau du ministère public, mais une explication possible pourrait être que les victimes se sentent plus réticentes à déposer une plainte.