Madame la Ministre,

Ce mercredi 25 mars, j’ai tenté d’effectuer une visite parlementaire au centre fermé de Vottem, en application de l’article 42 de l’Arrêté royal du 2 août 2002 sur le fonctionnement des centres fermés, qui prévoit que « les membres de la Chambre des Représentants et du Sénat ont toujours accès au centre de huit à dix-neuf heures, après qu’ils se soient clairement fait connaître en tant que tel ».

Pourtant, l’accès m’a été refusé par la direction du centre, sur instruction de l’Office des étrangers. Lors d’un échange téléphonique avec la fonctionnaire en charge des centres fermés qui a transmis cette instruction, il m’a été affirmé que cette décision découle des consignes données par le gouvernement dans le cadre de la gestion de la crise COVID-19.

Madame la Ministre, je ne vous cache pas mon inquiétude face à ce refus d’accès.

Il constitue d’abord une violation flagrante de l’Arrêté royal, qui ne prévoit aucune exception au droit de visite des parlementaires – contrairement aux visites d’ONG qui sont soumises à l’autorisation du Directeur et peuvent être suspendues dans certaines circonstances.

Par ailleurs, l’interdiction d’accès aux parlementaires, qui intervient après la suspension du droit de visite des ONG, a pour conséquence qu’à ce jour, plus aucun organe externe à l’Office des étrangers n’est à même d’exercer un controôle sur les conditions de détentions et les conditions sanitaires à l’intérieur des centres.

Or, en période de crise, il est d’autant plus indispensable qu’un contrôle démocratique puisse avoir lieu sur les conditions de détention dans ces centres où sont détenues des personnes particulièrement vulnérables.

Madame la Ministre,

  • Une instruction visant à suspendre le droit d’accès des parlementaires aux centres fermés a-t-elle été prise par le Gouvernement ou par l’Office des étrangers ? Si oui, sur quelle base légale ?
  • Dans le cas contraire, confirmez-vous que le droit d’accès parlementaire aux centres fermés reste garanti ? Quelles suites comptez-vous donner à cet incident ?

Merci, Madame la Ministre, pour vos réponses à mes questions.

 

Réponse de la Ministre de Block, Commission Intérieur, Sécurité, Migration du 08/04/2020

Les mesures prises par le centre dans le cadre de la protection de la santé publique ont un impact sur le règlement en matière de visites mais il est faux de dire que toutes les visites ont été annulées. Les parlementaires ne se voient pas refuser l’accès aux centres d’accueil.

Les députés peuvent visiter le centre sans accéder à l’aile où se trouvent les résidents. La direction des centres a pris le temps de leur répondre, en dépit des circonstances.

Les députés doivent montrer l’exemple et respecter la distanciation, comme tous les citoyens.

Sur la base des articles 33 et 41 de l’arrêté royal du 2août 2002 fixant le régime et les règles de fonctionnement applicables aux centres fermés, les contacts avec les demandeurs d’asile peuvent être refusés aux parlementaires. Les contacts numériques sont possibles, en revanche, et un contrôle externe doit pouvoir être effectué. Ces mesures permettent de garantir au mieux la sécurité de la population et celle des occupants des centres.

 

Echanges entre Simon Moutquin (députée Ecolo-Groen) et la Ministre De Block à la suite de cette réponse

Simon Moutquin (Ecolo-Groen) : Votre réponse sur les centres fermés me choque, quand vous demandez pourquoi des députés ne devraient pas respecter le confinement. Pourquoi les facteurs, les caissières, les travailleurs d’Amazon ne le respectent-ils pas ? Parce qu’ils font leur travail et nous aussi ! L’article 41 de l’arrêté royal concerne les visites et non les parlementaires. Il est gravissime de nous faire culpabiliser pour avoir exercé le contrôle démocratique.

Maggie De Block, ministre : Votre conduite est irresponsable et dangereuse ! Vous allez à l’encontre des mesures recommandées par les scientifiques pour surmonter cette crise. Il s’agit en effet d’un déplacement non essentiel et, en tant que législateur, vous devez en outre respecter les règles. Je désapprouve cette attitude!

Simon Moutquin (Ecolo-Groen) : Nous faisons notre travail, comme d’autres continuent à le faire. En centre fermé, je portais un masque et avais pris toutes les précautions. En quoi les travailleurs qui y vont tous les jours n’en prennent-ils pas, comme nous?

Maggie De Block, ministre : Ces gens ont reçu des instructions pour suivre les règles !

Simon Moutquin (Ecolo-Groen) : Nous les suivons aussi !

Maggie De Block, ministre : Quand vous évitez de venir au Parlement, vous respectez les règles. Mais si vous ne les respectez pas en allant visiter un centre, vous êtes irresponsable !

Simon Moutquin (Ecolo-Groen) : Vous parlez de bon sens comme seul contrôle des centres fermés ! Vous choisissiez de citer la Commission européenne en ignorant le Comité européen pour la prévention de la torture et le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, qui appellent à la libération d’un maximum de personnes des centres pour migrants. Vous m’accusez de mettre en danger le personnel alors que les visites parlementaires, en respectant les mesures sanitaires, visent aussi à veiller à ce qu’il soit protégé. C’est une attaque contre l’État de droit et le travail parlementaire. Enfin, vous dites que certains pays acceptent encore des retours. Lesquels ? Pour les sans-papiers, le but n’est pas d’éviter un ordre de quitter le territoire mais de les protéger. Entre 100 et 150 000 personnes, surtout à Bruxelles, n’osent pas aller chez le médecin ou porter plainte, notamment pour violences conjugales. Le Portugal, lui, leur a octroyé le statut de résident jusqu’au 1er juillet.