Le retrait du préservatif sans consentement durant l’acte sexuel est désormais pénalisé. 

 

L’administration volontaire de substances inhibitives devient un élément aggravant. 

 

 

Il y a 5 ans, le mouvement #metoo révélait l’ampleur des violences sexuelles dans notre société. Dans son sillage, il y a un an, à Bruxelles, le mouvement #BalanceTonBar émergeait et s’étendait à des villes du monde entier. Des centaines de témoignages d’agressions sexuelles survenues dans le milieu de la nuit sont partagés sur les réseaux sociaux. Ces mouvements appellent à des changements radicaux dans la manière de traiter la question des violences sexuelles. Des mesures politiques à tous les niveaux sont attendues. Le Gouvernement Vivaldi a décidé de faire de cette question une priorité. 

 

Le nouveau Code pénal sexuel est d’application depuis juin 2022. Sous mon implusion, cette réforme a pris en compte les revendications de la société civile et s’est mise en phase avec les évolutions sociétales afin de combattre les différentes facettes du phénomène le plus efficacement possible. 

 

C’est ainsi que le “stealthing”, ou “furtivage” a fait son apparition dans le Code pénal. Il s’agit de l’action de retirer le préservatif sans le consentement de sa ou de son partenaire et de poursuivre le rapport sexuel, exposant ainsi la victime à un risque de grossesse ou à la transmission d’une infection sexuellement transmissible. Concrètement, le stealthing entre dans le champ d’application de l’infraction de viol, comme c’était déjà le cas au Canada ou en Suisse. Une femme sur trois en aurait déjà été victime selon une étude australienne de 2019. 

 

L’administration de substances inhibitives dans le but de profiter de la vulnérabilité d’une personne est aussi précisée et devient un élément aggravant, ce qui signifie que l’échelle de peine encourue est augmentée. Ce nouvel élément aggravant se nomme “drug-facilitated-sexual-assault” (DFSA) ou agression sexuelle facilitée par la drogue

 

Seul le DFSA proactif est considéré comme élément aggravant, c’est-à-dire l’hypothèse dans laquelle l’auteur administre à la victime, secrètement, ou sous la contrainte,  des stupéfiants ou toute autre substance inhibitive dans le but d’abuser sexuellement de celle-ci. Rappelons que l’alcool et les médicaments peuvent aussi être considérés comme des substances inhibitives. 

 

Concernant le consentement d’une personne qui aurait une relation sexuelle sous l’emprise d’une substance inhibitive, sans que cette substance ne lui ait été administrées volontairement par un tiers : Il n’y a pas de consentement lorsque l’acte à caractère sexuel a été commis en profitant de la situation de vulnérabilité de la victime due notamment à un état de peur, à l’influence de l’alcool, de stupéfiants, de substances psychotropes ou de toute autre substance ayant un effet similaire, à une maladie ou à une situation de handicap, altérant le libre arbitre. Ce sera donc la question du libre arbitre altéré ou pas qui définira si la personne était en mesure de donner son consentement. 

 

Pour rappel, la Belgique s’est aussi dotée d’une des définitions les plus progressistes en matière de consentement. L’Espagne a d’ailleurs adopté une définition similaire quelques mois plus tard. Elle stipule que “le consentement suppose que celui-ci a été donné librement. Ceci est apprécié au regard des circonstances de l’affaire. Le consentement ne peut pas être déduit de la simple absence de résistance de la victime.” Autre élément nouveau : “le consentement peut être retiré à tout moment avant ou pendant l’acte à caractère sexuel”. Cela signifie que toute nouvelle pénétration sexuelle constitue incontestablement l’infraction de viol lorsque le consentement à cet effet fait défaut.

 

La réforme du Code pénal a également maintenu d’anciennes limites au consentement : En tout état de cause, il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel résulte d’une menace, de violences physiques ou psychologiques, d’une contrainte, d’une surprise, d’une ruse ou de tout autre comportement punissable […] En tout état de cause, il n’y a pas de consentement lorsque l’acte à caractère sexuel a été commis au préjudice d’une victime inconsciente ou endormie.

 

Rappelons que les Centres de Prise en Charge des victimes de Violences Sexuelles (CPVS) sont toujours accessibles, 24h sur 24, 7 jours sur 7, que la victime ait consommé ou pas des substances illicites. 

 

Cette réforme permet de dépoussiérer le Code pénal de son héritage patriarcal. Le Code pénal date de 1867, certaines définitions étaient périmées, et des infractions plus récentes n’étaient pas prises en compte. Avec cette réécriture, nous rendons la loi plus claire, plus en phase avec la pratique des professionnels du droit et avec les préoccupations de la société.  Je me réjouis que la Belgique décide de regarder en face la réalité des violences sexuelles. Cette réforme répond à une préoccupation sociétale d’ampleur mise en lumière par les mouvements de libération et d’écoute de la parole des victimes, tels que #MeToo ou  #BalanceTonBar et n’aurait pas été possible sans les associations de terrain qui travaillent à la mise à l’agenda politique de cette problématique depuis des décennies. – Sarah Schlitz