Suite à l’évaluation positive du projet pilote, l’alarme anti-rapprochement a été déployée en Flandre occidentale et orientale. Le déploiement national est prévu pour 2023.

Les femmes menacées par leur ex-conjoint pourront bénéficier de cet outil si elles le souhaitent. Beaucoup trop de féminicides sont l’œuvre de récidivistes déjà connus des services de police ou de justice. Aujourd’hui plus que jamais, le Gouvernement avance pour que chaque femme puisse être libre de circuler, de quitter son conjoint et surtout jouir du droit fondamental d’être en sécurité.

  • De quoi s’agit-il ?

Pour qui est cette alarme anti-rapprochement ?

« Les personnes ayant droit à une alarme anti-rapprochement doivent :

– être victimes de harcèlement grave et/ou mettant en danger leur vie, commis par un-e ex-partenaire, et pouvoir le prouver avec un (des) procès-verbal(-aux). Dans le cas contraire, être prêt-e à faire établir un procès-verbal ;

– habiter ou résider sur le territoire de la zone de police gestionnaire du dossier ;

– ne pas entretenir de contacts volontaires avec l’ex-partenaire (à moins que cela s’avère nécessaire dans le cadre du régime de droit de visite relatif aux enfants) ;

– être prêt-e à signer la convention d’utilisation. »

Evaluation du risque en matière de violence dans le couple

Il existe un instrument très accessible (COL 15/2020) pour évaluer au mieux une situation de violence entre partenaires et pouvoir identifier rapidement et simplement les cas présentant un risque élevé de récidive et/ou d’escalade. S’il est en présence de facteurs de risque particulièrement alarmants, le-la fonctionnaire de police informe immédiatement le parquet afin de prendre les mesures les plus adéquates qui permettront de réduire autant que possible le risque. Dans le cadre du projet pilote, l’instrument d’évaluation des risques de la COL 15/2020 a été utilisé comme fil directeur pour décider de l’attribution de l’alarme anti-rapprochement et a été jugé utile.

Résultats du projet-pilote

Selon l’évaluation réalisée par l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes (IEFH), le projet pilote déployé à Gand a débouché sur une alarme anti-rapprochement qui fonctionne sur les plans technique et opérationnel de la police. Au cours de la phase de test de six mois de l’alarme harcèlement mobile avec des victimes, dix alarmes ont été octroyées via la concertation multidisciplinaire. Il s’agit d’un chiffre élevé, compte tenu de la condition de « mise en danger de la vie » liée à l’octroi de l’alarme anti-rapprochement aux victimes. Pour une de ces victimes, il y a eu deux fois, grâce à l’alarme, une intervention policière réussie pendant la période d’enregistrement.

En 2021, 9 alarmes ont déjà été attribuées et une intervention policière réussie a déjà eu lieu pour deux victimes. Grâce à l’intervention rapide de la police, une infraction a à chaque fois pu être évitée et l’auteur a pu être pris en flagrant délit dans plusieurs situations. Grâce à l’alarme anti-rapprochement, les victimes ont toutes ressenti un grand sentiment de sécurité et ont de nouveau osé sortir seules dans la rue. L’utilisation effective du bouton d’alarme a en outre prouvé la nécessité de l’alarme anti-rapprochement et la rapidité de l’éventuelle intervention de la police.

  • Que prévoit le Plan d’action national (PAN) de lutte contre les violences de genre 2021-2025 ?

Le PAN 2021-2025, coordonné par la Secrétaire d’Etat à l’égalité des genres, a notamment pour but de renforcer la sécurité des victimes en leur permettant plus facilement de prévenir rapidement les services de secours et en intervenant rapidement auprès d’elles.

L’alarme anti-rapprochement est un des outils qui le permet, et son déploiement national constitue une des mesures du Plan d’action national.

Quelle sont les conditions de réussite du projet ?

  • L’alarme anti-rapprochement doit s’inscrire dans le cadre d’une politique globale de lutte contre les violences entre ex-partenaires et en particulier contre les féminicides

L’IEFH constate qu’il existe un lien entre le féminicide et le harcèlement. Plusieurs études ont déjà montré que le meurtre de l’(ex-)partenaire peut être le point final d’une période de harcèlement intense.

  • Ce risque est particulièrement élevé pour les ex-partenaires qui ont déjà été victimes de violence au cours de la relation.
  • Le risque de violence physique est plus important si l’auteur du harcèlement est un ex- partenaire. 81 % des femmes qui ont été harcelées par 1 (ex-)partenaire ont en même temps été victimes de violences physiques commises par l’auteur du harcèlement.
  • Les harceleurs qui traquent leur (ex-)partenaire sont en effet plus menaçants et plus violents que les harceleurs qui traquent une personne qui n’est/n’était pas leur partenaire.

Dans un contexte où  la Belgique comptabilise déjà 7 féminicides alors que l’année ne fait que commencer, il est essentiel que l’alarme anti-rapprochement soit identifiée comme un  moyen dans le cadre d’une politique globale de lutte contre les violences et les féminicides.

  • L’alarme anti-rapprochement doit mettre les victimes au centre de toute intervention 

Toute intervention doit avoir pour préoccupation principale la sécurité, les besoins et les droits de la victimes (y compris leurs enfants). Il est important de garder en tête que les violences peuvent se poursuivre longtemps après une séparation ou un divorce.

Le PAN 2021-2025 fait référence à une étude menée en 2019 en Fédération Wallonie-Bruxelles qui montre que 79% des femmes sondées victimes de violences conjugales subissent encore des violences après la séparation, celles-ci pouvant remonter à plus de cinq ans. Les violences post-séparation sont occasionnellement physiques, mais essentiellement d’ordre psychologique et moral (harcèlement, contrôle, menaces de violences physiques ou de mort, …).

Il est souvent constaté que les auteurs de violence continuent à proférer des menaces très lourdes à l’encontre de la victime, parfois même des menaces de mort. Il est donc essentiel que toute mesure d’évaluation et de gestion des risques tienne compte de la probabilité de récidive des violences et des risques de féminicides.

Les mesures, y compris en matière de gestion et d’évaluation des risques, doivent veiller à ne pas aggraver les dommages subis par la victime et qu’elles ne conduisent pas à une victimisation secondaire. Les victimes doivent être à l’abri des risques d’intimidation, de représailles et de nouvelle victimisation, conformément à la Circulaire GPI 58 concernant l’assistance policière aux victimes dans la police intégrée, structurée à deux niveaux.

A aucun moment, la responsabilité de la sécurité d’une victime ne doit nullement constituer une charge pour elle, que cette charge soit financière, mentale, matérielle, etc. pour elles.

Il est pour nous fondamental que les victimes soient informées de leurs droits et des services auxquels elles peuvent avoir accès.

Et enfin, nous insistons pour que les victimes ne soient pas mises dans des conditions qui ne leur permettent pas de choisir d’accepter ou pas une application anti rapprochement et qu’elles puissent avoir la possibilité d’y renoncer à tout moment, peu importe les raisons qu’elles invoquent. Qu’elles choisissent ou non de prendre l’application, les victimes doivent avoir leur disposition d’autres mesures leur permettant de garantir leur sécurité, comme par exemple le dispositif de « revisite ». Comme déjà précisé, l’application anti-rapprochement constitue un outil parmi d’autres dans le cadre d’une politique globale de protection des victimes.

  • L’alarme anti-rapprochement doit se placer dans une dynamique de concertations multidisciplinaires et/ou interdisciplinaires. 

La politique en matière de lutte contre le harcèlement menaçant la vie de la victime et de féminicide ne peut uniquement porter sur le volet répressif en se concentrant sur l’intervention des services de police et des parquets en vue de garantir la sécurité. Elle doit être associée à un trajet d’assistance pour les victimes.

Le PAN quant à lui insiste sur l’importance des structures de concertation et d’échanges entre acteurs confrontés aux violences basées sur le genre afin de créer un maillage solide de prise en charge sur l’ensemble du territoire. Dans cette option, il est primordial  que ces dispositifs de concertation puissent tendre vers l’implication de tous les acteurs pertinents dans la lutte contre les violences (social, justice, police et santé).

Nous insistons dès lors pour que le déploiement de l’application anti-rapprochement s’inscrive obligatoirement dans le cadre d’une approche multidisciplinaire intégrale et globale consistant à coopérer entre les acteurs concernés pour assurer la prise en charge et la sécurité des victimes et de leurs enfants.

Même si les Communautés ne sont pas directement concernées par le projet de déploiement, il nous paraît important de prendre le temps de les concerter afin d’entendre les besoins spécifiques de chacune d’entre elles.

  • L’alarme anti-rapprochement doit s’articuler avec les mesures d’éloignement et d’interdiction de domicile du partenaire violent.

Avec la mesure 84, le PAN insiste sur la nécessité de promouvoir davantage la vision selon laquelle les victimes doivent pouvoir rester dans leur foyer, en éloignant l’auteur de violence. L’engagement a été pris pour accroître dans les prochaines années le recours à l’éloignement sur l’ensemble du territoire et insérer le dispositif d’interdiction temporaire de résidence totalement dans la pratique du secteur policier et judiciaire.

L’articulation entre la mesure d’éloignement et l’alarme anti-rapprochement est précisée dans la mesure 144 qui prévoit d’intensifier les efforts pour protéger au mieux les victimes dont l’auteur de violences fait l’objet d’une interdiction temporaire ou d’éloignement du domicile (via par exemple des dispositifs tels que l’alarme anti-rapprochement pour les victimes, le bracelet électronique équipé d’une alarme pour l’auteur s’il s’approche du domicile, etc.).

Dès lors, nous souhaitons, comme le recommande le GREVIO, que l’application anti-rapprochement soit d’emblée identifiée comme un des moyens mis au service de la politique d’éloignement du domicile de l’auteur violent. Nous réinsistons également pour que d’autres moyens soient mis en œuvre pour augmenter la sécurité des victimes ainsi que de leurs enfants. Nous pensons en particulier à la pratique de la « revisite » garantie par la COL 20/2020 du Collège des Procureurs généraux.

  • Le déploiement national de l’alarme anti-rapprochement doit être accompagné de formations spécifiques solides pour l’ensemble des acteurs.

La formation des professionnels constitue un axe transversal clé dans le PAN 2021-2025.

Dans son avis, l’IEFH recommande de prévoir, dans le cadre du déploiement national de l’alarme anti-rapprochement, des formations spécifiques solides pour l’ensemble des organisations et services concernés.

Cette formation doit être axée sur la problématique du harcèlement, le fonctionnement technique de l’alarme anti-rapprochement et les modalités de la coopération avec les services d’assistance, le cas échéant, de manière multidisciplinaire.

En lien avec les engagements pris dans le PAN, il est essentiel que les formations s’inscrivent clairement dans les orientations de la Convention d’Istanbul et des recommandations du GREVIO.

Ce dernier insiste pour que l’approche suivie, les manuels de formation utilisés et les partenariats noués aux fins de dispenser les formations et de développer du matériel pédagogique soient fondés sur une vision genrée des violences, en conformité avec la Convention d’Istanbul.

Je reste convaincue que la formation est un outil essentiel qui contribue au changement de perspective et de comportement des professionnels face aux victimes. En outre, elle améliore de manière significative la nature et la qualité du soutien fourni aux victimes. Et enfin, elle joue un rôle pour prévenir la victimisation secondaire.

Pour aller plus loin : Que dit la Convention d’Istanbul ?

L’article 50 exige des services répressifs qu’ils réagissent de manière rapide et appropriée en offrant aux victimes une protection adéquate et immédiate. Il appelle ces services à prendre rapidement des mesures adéquates de prévention et de protection contre toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la convention, y compris en recourant à des mesures opérationnelles préventives et en réunissant des preuves.

L’article 51 concerne l’appréciation et la gestion des risques. Il insiste sur l’obligation de veiller à ce que toutes les autorités compétentes, qu’elles soient policières ou non, évaluent effectivement les risques et conçoivent un plan de gestion des risques pour la sécurité de la victime au cas par cas, en vertu d’une procédure standardisée et dans le cadre d’une coopération et d’une coordination interservices.

Le rapport du GREVIO insiste quant à lui sur la nécessité d’accompagner les mesures d’interdiction et d’éloignement du domicile du partenaire violent de la possibilité d’utiliser des outils électroniques comme les alarmes avertissant d’une agression, de prendre régulièrement des nouvelles de la victime par téléphone.