Je reçois aujourd’hui Natalia Broniarczyk, Kinga Jelińska et Justyna Wydrzyńska, 3 militantes polonaises du collectif Abortion Without Borders qui regroupe différentes associations permettant aux femmes polonaises, et désormais aux réfugiées ukrainiennes, de voyager hors de Pologne (aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne) pour pouvoir avorter, vu les conditions extrêmement strictes d’interruption volontaire de grossesse en Pologne.
Justyna Wydrzyńska, militante-fondatrice du collectif Abortion Dream Team, a été audtionnée en première instance le 8 avril dernier devant le tribunal régional de Varsovie-Praga pour avoir aidé une femme à avorter. Il s’agit vraisemblablement du premier procès de ce genre dans le pays et en Europe. Elle est actuellement en attente de la prochaine audience de son procès, en juillet, et risque 3 ans de prison.
Abortion Without Borders est une initiative des six organisations lancée en décembre 2019 qui aident les femmes enceintes en Pologne en leur permettant d’accéder aux interruptions volontaires de grossesse, notamment en organisant une aide logistique et financière pour leur permettre de voyager en dehors de la Pologne. Il existe également une ligne d’aide, organisée par Kobiety w Sieci qui permet d’avoir informations et conseils sur les options possibles et d’être réorienté vers les organisations partenaires, notamment lors de voyages à l’étranger.
Abortion Dream Team, Ciocia Basia et Abortion Network Amsterdam sont des groupes de bénévoles qui gèrent la logistique et l’accompagnement sur place (aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique). Abortion Support Network est une association enregistrée en 2009 au Royaume-Uni, qui fournit la majorité des fonds pour couvrir les coûts de voyages et de traitements.
C’est précisément Abortion Support Network qui a reçu l’année dernière mon financement avec le Ministre Frank Vandenbroucke de 10 000€ pour permettre à des femmes polonaises qui n’en ont pas les moyens d’aller avorter à l’étranger. La Secrétaire d’Etat finance à nouveau cette association hauteur de 20 000€1. La Belgique est le premier et jusqu’à présent le seul pays européen à soutenir cette association. Mais, au vu de contacts récents, cette démarche pourrait en inspirer d’autres.
La Pologne a accueilli ces derniers mois 3,5 millions de réfugiés ukrainiens dont 90% sont des femmes et des enfants. Le collectif Abortion Without Borders leur vient également en aide, notamment dans les cas de « viols de guerre ».
La rencontre d’aujourd’hui a pour but de mieux comprendre la situation en Pologne ainsi que d’échanger sur les moyens pour soutenir les initiatives et les militantes polonaises en matière de droits sexuels et reproductifs.
Avec les militantes du collectif Abortion Without Borders, nous avons rejoint la manifestation devant l’Ambassade des Etats-Unis à 17h30 en réaction à l’actuelle régression des droits sexuels et reproductifs.
L’accès à l’avortement est un droit fondamental qui doit être assuré par chaque état démocratique. Il permet aux femmes de disposer librement de leur corps, de protéger leur santé et de ne pas être contraintes de renoncer à des opportunités. Vu la montée des mouvements anti-choix, anti-genre, anti-femmes, il convient aussi de bétonner ces droits au niveau belge et d’y travailler au niveau européen pour construire une Europe de l’égalité. Ainsi, je soutiens le travail d’Abortion Without Borders qui est contraint de se substituer au rôle de l’Etat polonais et je soutiens également les parlementaires belges à la Chambre qui prennent des initiatives pour inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution.
1 Le premier subside couvrait les coûts de voyages et d’IVG des femmes enceintes entre septembre et décembre 2021. Ces IVG se faisaient dans les conditions légales de l’accès à l’avortement tel qu’il est prévu par la loi belge (en dessous de 12/14 semaines ou au-delà s’il y a une indication de malformation du fœtus ou danger pour la vie de mère). Le second financement aura la même vocation.