Interpellation posée à David Clarinval, ministre de l’Emploi, le 6 novembre 2025. Le compte rendu complet peut être lu ici.
Mon interpellation :
Monsieur le ministre,
Je suis contente de vous voir aujourd’hui. Nous aurions souhaité vous voir en commission hier, mais votre majorité en a malheureusement décidé autrement. J’ai plusieurs faits à vous exposer et quelques questions à vous poser, afin que vous m’éclairiez sur la séquence dans laquelle certains événements se sont déroulés la semaine dernière.
La semaine dernière, alors que nous vous pensions en train de négocier ardemment avec le premier ministre en vue d’un budget, en réalité, nous avons eu affaire à une double polémique, qui s’est répandue pour partie sur les réseaux sociaux. Je vais me pencher sur la première. Monsieur le ministre, je vais reprendre la chronologie des faits.
Le 26 octobre, une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux dans laquelle une journaliste, Carol Zanin, dénonce un courrier de la CSC qu’elle dit « mensonger » et qui l’informait de sa prochaine exclusion de l’assurance chômage. Persuadée qu’elle n’est absolument pas concernée par cette exclusion, elle expliquait dans sa vidéo avoir joint le centre de contact de l’ONEM, qui lui a confirmé une erreur de la CSC. Ensuite, vous avez décidé de relayer cette vidéo sur vos réseaux sociaux tout en accusant les syndicats de mentir, et vous avez déclaré que le courrier de la CSC relevait de la manipulation « pour faire peur et pousser les gens à descendre dans la rue contre le gouvernement ». Puis, le 27 octobre, la RTBF a publié le contenu du courrier de la CSC adressé à ses affiliés concernés par l’exclusion du chômage dès 2026. Aucune mention de grève ou de manifestation n’y figure. Le même jour, à 13 h, la CSC confirme l’exclusion de Mme Zanin et explique dans un communiqué avoir informé son affiliée afin de lui permettre de s’organiser et d’accéder à toutes les informations susceptibles de recourir à ses droits, notamment celui de se former. Il se trouve que celle-ci est concernée, non par l’exclusion de janvier, mais bien par la vague de juillet. Les informations transmises sont donc exactes. Or vous avez décidé d’envoyer un communiqué de presse 44 minutes plus tard, donc après l’explication du syndicat, en persistant dans vos accusations et en incitant les citoyens à se renseigner, non pas auprès de leur syndicat, mais du centre de contact de l’ONEM qui, pour mémoire, compte 126 collaborateurs et invite les citoyens à le contacter pour « obtenir une information fiable et objective ».
Enfin, le 26 octobre, La Libre Belgique révèle que le centre de contact de l’ONEM ne dispose pas des informations sur les exclusions au-delà de la deuxième vague, c’est-à-dire après mars 2026.
Monsieur le ministre, au-delà du fait que cette séquence vous fait mal, parce qu’elle révèle qu’une personne qui a toujours travaillé, qui se démène, sera exclue par votre réforme injuste et aveugle, cette séquence demande également des éclaircissements sur la façon dont les faits se sont déroulés et sur le pourquoi de vos agissements.
Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous affirmé que les syndicats appelaient à manifester alors que ce n’est pas mentionné dans le courrier en question? Avez-vous pris connaissance de ce courrier et si oui, quand?
Pourquoi avez-vous appelé, dans un communiqué de presse, à prendre contact avec le centre de contact de l’ONEM alors que ce centre ne dispose pas des informations complètes? Pourquoi ne vous êtes-vous pas assuré que le centre de contact de l’ONEM dispose bien des informations complètes lui permettant d’informer correctement chacun des demandeurs d’emploi de sa situation? Considérez-vous que les 126 collaborateurs du centre de contact de l’ONEM sont suffisants pour informer 200 000 demandeurs d’emploi?
Avez-vous demandé au centre de contact de l’ONEM de tenir des propos anti-syndicats aux demandeurs d’emploi? Sinon, allez-vous entreprendre un audit auprès de ce service?
Enfin, pourquoi avez-vous envoyé votre communiqué de presse à 13 h 44 alors que les syndicats avaient déjà publié à 13 h l’explication sur le cas de Mme Zanin, les mettant totalement hors de cause?
La réponse du ministre :
Vous me faites part d’une publication sur les réseaux sociaux et d’un communiqué de presse envoyé au sujet de la situation de Mme Carol Zanin. En réponse à cela, je voudrais replacer certaines choses dans leur contexte.
Depuis que j’ai entamé la réforme du chômage et la modernisation du marché du travail, je constate que ces mesures suscitent de nombreux débats, parfois animés. C’est normal dans une démocratie. Mais le succès de cette politique exige du temps, de la pédagogie, des combats, de la persévérance et surtout un sens des responsabilités. C’est la seule façon de l’ancrer durablement dans notre projet de société et d’en récolter les fruits à long terme.
Mais, pour répondre de manière factuelle à l’ensemble des questions qui m’ont été posées, je vous rappelle que nous avons décidé ensemble, ici au Parlement, de mettre en œuvre cette réforme progressivement, par vagues successives étalées dans le temps: la première vague débutera le 1er janvier 2026, la deuxième le 1er mars 2026, la troisième le 1er avril 2026 et la quatrième le 1er juillet 2026. Il y aura ensuite encore d’autres vagues.
Nous avons décidé d’informer précisément l’ensemble des personnes concernées le plus rapidement possible, afin qu’elles puissent adapter leurs comportements aux échéances annoncées. Mais il est fondamental que l’ONEM soit au courant, dans les détails, des situations individuelles des citoyens concernés, de leur carrière, de leur nombre de jours de travail, ce, avant d’envoyer les lettres officielles qui préviennent les chômeurs. Mais, évidemment, ces situations évoluent dans le temps, a fortiori quand on a une carrière de pigiste. Je déplore donc que, malheureusement, certaines communications ont précédé celles officielles de l’ONEM et ont semé une certaine confusion dans l’esprit des personnes qui ont reçu ces mails.
Par exemple, certains syndicats ont diffusé des messages à leurs affiliés, avant même que l’ONEM ne s’adresse officiellement à ces demandeurs d’emploi et alors qu’un calendrier avait été fixé au sein du comité de gestion de l’ONEM en concertation avec ces mêmes syndicats. Ces messages contenaient des formulations incomplètes et dès lors anxiogènes.
L’imprécision telle que « vous serez exclu du chômage dès 2026 » à la veille d’une manifestation nationale a pu nourrir l’inquiétude et c’est précisément ce qu’a exprimé Mme Zanin qui s’est sentie instrumentalisée dans un débat politique.
C’est afin de rappeler que ce sont les informations de l’ONEM qui font foi que j’ai réagi en envoyant le communiqué de presse à ce sujet. Je l’ai dit et je le répète: informer correctement les citoyens de leurs droits est non seulement légitime mais nécessaire et indispensable. Ce que je désapprouve, c’est la manière dont certains messages ont été formulés sans précision. La date de fin de droit aux allocations ainsi que les conditions qui peuvent la modifier ne sont pas des notions floues. Elles sont définies par la loi que ce Parlement a adoptée l’été dernier.
Toute personne qui perd son droit aux allocations à la suite de la limitation dans le temps des allocations de chômage, mais qui a suffisamment travaillé pour pouvoir ouvrir un nouveau droit pourra dès lors le faire.
Grâce à la réforme du chômage, les conditions d’admissibilité seront assouplies à partir du 1er mars 2026. Il suffit désormais d’avoir travaillé au moins une année au cours des trois dernières années. Dans ce nouveau système, chaque jour presté prolongera le droit d’autant. Voilà donc la réalité concrète!
Il faut donc attendre d’avoir toutes ces informations avant de pouvoir informer les citoyens de leur situation précise. C’est au regard de cet état de fait que la situation de Mme Zanin devra être évaluée.
Mesdames et messieurs, je ne souhaite pas que cette polémique nous détourne du travail de fond, qui est celui du gouvernement et de ce Parlement, notamment dans le cadre des négociations en cours. Nous devons garder le cap, celui d’un marché du travail dynamique, juste et inclusif. C’est dans cet esprit que je conduis et continuerai de conduire cette réforme du chômage avec conscience, avec respect et avec la volonté de servir tous les citoyens.
Je vous remercie pour votre attention.
Ma réplique :
Monsieur le ministre, vos réponses sont extrêmement décevantes au regard de la gravité des faits. Vous continuez à provoquer, alors que la situation n’est absolument ni légère ni drôle. Vous continuez à répéter vos diktats selon lesquels « cette réforme est absolument nécessaire ». Or, quand on examine le cas de Mme Zanin, on voit à quel point elle est profondément injuste envers un public qui se lève chaque matin pour aller bosser. Par ailleurs, ce n’est pas du tout l’objet de nos questions.
Première question à laquelle vous n’avez pas répondu: « Pourquoi avez-vous dit que les syndicats appelaient à manifester, alors que ce n’était pas écrit dans le courrier? » Vous ne me répondez pas. « Avez-vous pris connaissance de ce courrier? » Vous ne me répondez pas. Pourtant, il aurait quand même été utile, vous me rejoindrez sur ce point, de le lire avant d’en commenter le contenu. En tout cas, c’est ce que j’aurais fait à votre place.
Ensuite, pourquoi avez-vous appelé dans un communiqué de presse à joindre le centre de contact de l’ONEM, alors qu’il ne dispose pas des informations destinées à renseigner clairement les personnes susceptibles d’être exclues, à situation inchangée? Vous ne m’avez pas répondu. C’est pourtant totalement anormal. J’ai l’impression que vous pouvez me rejoindre sur ce point. Pourquoi avez-vous, dans un communiqué de presse, invité les personnes concernées à joindre le centre de contact de l’ONEM, alors qu’il ne dispose pas des informations utiles? Je n’ai pas reçu de réponse à cette question. C’est pourtant extrêmement problématique.
Alors, vous dites qu’il y a des crises et que cela suscite de vives émotions. Mais, excusez-moi, c’est la gestion de ce dossier qui fait des vagues et suscite de vives émotions. Quand quelqu’un reçoit une information d’un côté et que c’est carrément votre administration qui dit le contraire en tenant, par ailleurs, et je n’en ai pas parlé tout à l’heure, des propos immondes vis-à-vis des syndicats, est-ce bien là le rôle de fonctionnaires de l’ONEM? Est-ce leur rôle de tenir des propos antisyndicaux auprès de personnes exclues et qui sont syndiquées? Vous ne m’avez pas répondu à ce sujet, pas plus qu’à ma demande d’organiser un audit sur la question.
« Considérez-vous que 126 collaborateurs suffisent pour informer correctement 200 000 demandeurs d’emploi? » Vous ne m’avez pas répondu.
Enfin, pourquoi avoir envoyé votre communiqué de presse à 13 h 44, alors que les syndicats avaient déjà publié un démenti à 13 h 00, en continuant à tenir des propos insultants à l’égard de la CSC? Pourquoi? La question est simple et, à mon avis, la réponse aussi.
Toutes mes questions avaient été transmises à votre cabinet. Elles sont déposées depuis une semaine, mais vous avez fait comme si vous les découvriez en séance, en prenant note, alors que vous les aviez déjà. Cela vous fait-il rire?
J’ai simplement transformé les questions que j’avais déposées pour la commission d’hier en une interpellation. Le seul élément que nous recevons aujourd’hui est une réponse à une question que nous n’avons pas posée. Vous affirmez que les syndicats n’auraient pas respecté un accord avec l’ONEM, selon lequel ils ne devaient pas communiquer avant l’ONEM. Nous allons vérifier si cet accord existait réellement en demandant les informations nécessaires.
Par ailleurs, le tableau en question, celui qui prévoit les envois de courriers, je l’ai sous les yeux. Il est assez sidérant. Que révèle-t-il? Je suis désolée de ne pas avoir pu l’imprimer, cela allait un peu vite. Monsieur le ministre, je vous l’enverrai si vous voulez. Il montre que pour le cas de Mme Zanin, donc celui des chômeurs en deuxième période – exclusion au 1er juillet 2026 –, il y a un point d’interrogation dans la colonne « courrier ONEM ».
L’information pour les personnes au chômage depuis moins de huit ans, c’est le 14 novembre. Elles pourraient entamer une formation avant le 31 décembre afin de préserver leurs droits. Franchement, je ne pense qu’on puisse être pris au sérieux en s’inscrivant le 14 novembre à une formation et qu’on soit pris au sérieux. Ce n’est pas vraiment à ce moment-là que commence l’année scolaire.

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