Préambule : vous pouvez consulter l’accord de majorité du gouvernement Arizona en cliquant ici.
Monsieur le Président,
Cher·es collègues,
Monsieur le Premier Ministre,
On a tous et toutes passé notre week-end à lire l’accord de gouvernement et il est marquant de voir que, sur 208 pages, vous essayez de nous faire croire qu’il n’y a pas d’alternative à ce que vous nous proposez.
“C’est ainsi.”
A l’instar de Margaret Thatcher, vous nous dites : There is no alternative.
Votre constat ? La Belgique va mal.
- Mal parce que la planète commence à se déchaîner, entre inondations et période de canicule ? Non.
- Mal parce qu’une bonne partie des Belges n’arrive pas à joindre les deux bouts ? Non.
- Mal parce qu’1% des plus riches de ce pays possède désormais ¼ des richesses alors que les salaires stagnent ? Non.
Non, Monsieur De Wever, comme vous l’avez expliqué hier, la Belgique va :
- Mal, car les gros pollueurs et les multinationales étrangères craignent de ne plus pouvoir continuer comme ils l’ont toujours fait.
- Mal, car nous risquons d’être dans le collimateur des marchés internationaux.
- Mal, car les banques ne sont pas contentes.
Et donc, pour vous, un seul choix s’impose : mettre toute la Belgique au régime.
Mais en réalité, ce régime, il est pour qui ?
- Les ouvriers d’Audi Forest, qui viennent de perdre leur emploi ? Votre gouvernement les met au régime.
- Les cuisinières du Lunch Garden de Fléron, qui se sont retrouvées à la porte du jour au lendemain? Régime !
- Les jeunes, les pensionnés, les femmes, les demandeurs d’emploi, les malades ? Régime.
En fait, la majorité des Belges est mise au régime par votre gouvernement. Sauf une poignée. Ceux qui pourraient vraiment l’être:
- Les plus nantis ? Ils vont continuer à investir en bourse et à se déplacer en jet privé, sans problème.
- Les multinationales ? Elles vont continuer à polluer l’eau qu’on boit et l’air qu’on respire.
- Les politiciens professionnels ? Qui vont continuer à toucher des salaires astronomiques et à cumuler toutes les fonctions qu’ils veulent.
Ce que veut votre gouvernement, c’est faire payer la majorité des Belges pour soulager une poignée de personnes. Sous prétexte qu’il n’y a pas d’alternative.
Le pire, c’est que cette austérité, elle est injuste mais surtout, elle est inefficace. On le sait depuis la crise de 2008 : l’austérité détruit l’emploi et la consommation d’un pays. Le FMI a reconnu que la Grèce était une erreur.
Le régime Thatcher, que vous copiez, c’est lui qui a mené :
- à la destruction des soins de santé anglais,
- à la privatisation chaotique du chemin de fer britannique, sur lequel ils sont d’ailleurs en train de faire machine arrière en ce moment.
- Et puis au Brexit… Peut-être que c’est ce que vous voulez en fait, en bon nationaliste !
Ces choix, vos choix, sont inefficaces. Et pour cause, ce sont les mêmes que tous les gouvernements d’austérité ont appliqué partout en Europe ces 30 dernières années et qui ont lamentablement échoué. C’est ça, l’idéologie : persévérer dans un modèle même quand on sait qu’il ne marche pas.
Monsieur De Wever, comme capitaine du Royaume de Belgique, vous allez faire couler le Titanic en fonçant sur le même Iceberg qui nous a menés à la crise financière de 2008.
- Au lieu de vous attaquer aux causes du chômage, vous attaquez les chômeurs.
- Au lieu de vous attaquer aux causes des maladies, vous vous attaquez aux malades
- Au lieu de vous attaquer aux causes de la migration, vous vous attaquez aux demandeurs d’asile
Une fois de plus, il n’y a pas de fatalité en politique, il n’y a que des choix. Et votre choix, c’est d’ignorer les causes des dysfonctionnements dans notre société.
En passant mon week-end à lire l’accord de gouvernement, je me suis aussi rendue compte que la campagne électorale, et toutes ses promesses, étaient déjà bien loin:
- Défendre les classes moyennes pour les uns,
- protéger la santé pour les autres,
… ce n’était donc bien que des paroles en l’air.
Par contre, on retrouve de nombreuses mesures brutales, pour lesquelles vos électeurs n’ont pas voté!
La seule chose cohérente, c’est que presque personne n’a parlé de climat durant cette campagne, et qu’en lisant l’accord de gouvernement, l’ambition climatique en est est bel et bien totalement absente.
Climatiquement irresponsable & injuste
« Les Belges vont payer deux fois : maintenant et quand les catastrophes arriveront. »
Selon votre gouvernement, il ne serait pas possible d’agir sérieusement contre la crise climatique tout en maintenant la compétitivité de nos entreprises.
Pourtant, si, il y a bien des alternatives plus justes – et qui fonctionnent ! – pour la planète, pour notre santé, pour notre bien-être ET pour la prospérité du pays.
Lesquelles? Investir dans l’innovation, dans une nouvelle économie, dans une industrie verte, pour nous permettre d’exporter notre savoir-faire partout dans le monde.
“Le tissu économique belge repose sur l’esprit d’entreprise, l’innovation et la collaboration. Nos petites et moyennes entreprises sont notre plus grand atout. Aidons-les à transformer en opportunités les défis auxquels elles sont confrontées [comme les enjeux environnementaux et climatiques, note personnelle]. En réalité, ce sont toutes des occasions d’innover et de prendre l’initiative.”
Ces mots sont, non pas ceux de Greta Thunberg, mais ceux de notre souverain – celui que vous servez, Monsieur De Wever, et à qui vous avez juré fidélité. Contrairement au roi, on dirait que votre gouvernement se trompe de siècle !
Vous n’allez pas agir, vous allez sacrifier notre environnement et notre santé pour faire plaisir aux multinationales. Le plus terrible dans tout ça, outre le choix de société que cela révèle, c’est que votre fatalisme n’a pas lieu d’être. Il y a une alternative, et une alternative qui fonctionne. Le nouveau gouvernement devrait écouter les scientifiques et les économistes, parce que :
- Investir dans la transition, ça rapporte,
- Ne pas investir dans la transition, ça coûte des milliards et ça détruit des vies humaines.
- Bonus de l’opération? Investir contre la crise climatique, c’est préserver une planète habitable.
Votre gouvernement préfère faire prospérer les multinationales qui ne veulent pas s’adapter aux réalités de notre siècle. Il parle d’innovation et de créativité, mais encourage en fait les vieilles recettes des vieilles entreprises, celles qui détruisent méthodiquement notre environnement et épuisent les travailleurs.
Aucune stratégie ambitieuse n’est annoncée pour protéger nos forêts et nos espèces en danger. Rien sur la lutte contre l’artificialisation des sols, rien sur la protection des cours d’eau, rien sur la transition agricole.
Cette stratégie serait pourtant rentable. Tous les Liégeois se souviennent dans leur chair du fait que les inondations ont coûté 2 milliards d’euros mais surtout beaucoup de vies et de larmes.
Il semblerait que vous craignez davantage d’être dans le collimateur des marchés internationaux, que dans le collimateur des inondations, des ouragans et des feux qui détruisent tout, les gens et la richesse.
De Valence à la Vesdre, dévastées par les eaux, à Los Angeles en feu, en passant par des villages entiers au Pakistan emportés par des coulées de boue : rien ne garantit qu’un enfant qui naît aujourd’hui pourra encore vivre sur une planète habitable à 30 ans, et vous choisissez de fermer les yeux.
Laissez-moi le dire dans les termes que vous comprendrez : il n’y aura pas de compétitivité sur une planète brûlée.
Les Belges sont plus que jamais conscients du problème, et ils ont raison. L’année dernière, nous avons dépassé pendant 12 mois le seuil critique de +1,5 degré.
Cet objectif était pourtant largement partagé lors de la signature des accords de Paris, il y a moins de 10 ans. Mais maintenant, Trump a été clair : ses amis oligarques pourront utiliser jusqu’à la dernière goutte de pétrole pour augmenter leurs dividendes.
Pendant toute la campagne, Les Engagés ont été particulièrement vocaux pour dire qu’ils s’“engagaient” auprès des citoyens à faire de la question de la santé une priorité. Or, il n’y a pas de santé sans un environnement sain !
On est donc tombé·es des nues en lisant l’accord. Vos promesses passées, Monsieur Prévot, semblent bien lointaines. Vos négociateurs n’ont peut-être pas osé lever la main quand le sujet était abordé, ou alors ils s’en fichent… Je ne sais pas ce qui m’effraie le plus.in
En effet, l’Arizona nous prépare un désert environnemental particulièrement aride.
Et ce alors que le dérèglement climatique tue, coûte des milliards, et force des citoyens du monde à quitter leur pays, « ces migrants qui vous font si peur».
Et ce alors que notre environnement entier est pollué de plastique, de PFAS et autres polluants qui s’accumulent dans nos corps, causent des cancers et des malformations.
Et ce alors que la sixième extinction de masse a commencé.
Pire encore : les aéroports, eux, peuvent compter sur votre soutien entier.
« Compte tenu de l’importance capitale de l’aéroport de Bruxelles-National pour notre économie, l’emploi et la connectivité de notre pays, le gouvernement soutiendra le développement économique de l’aéroport. » On se croirait en 1984.
Et comme si cela ne suffisait pas, vous trouvez encore le culot de faire des économies sur la SNCB pour plus de 600 millions d’euros.
Moins d’arrêts, moins de lignes, surtout dans les zones rurales wallonnes.
Antwerpen heeft het mooiste station van ons land – en toch houdt meneer De Wever echt niet van treinen. ». Pourtant, le rail est la seule solution pour beaucoup de citoyens. Quand vous fermez une gare, vous obligez des travailleurs à se lever encore plus tôt et des familles à investir dans des voitures, à en assumer les coûts et les risques. Pas toutes, évidemment, vu que les plus aisés ont déjà des voitures de société et ne prennent de toute façon pas le train.
Et pendant ce temps, les embouteillages coûtent des milliards et des milliards chaque année et cela va s’aggraver avec votre politique du tout à la voiture.
Face à ce tableau sombre, vous tentez de maquiller vos choix en mettant en avant quelques mesures « vertes » sans ambition réelle. En vous cachant derrière l’Europe. Cette même Europe où vous et vos amis conservateurs tentez de détricoter le Green Deal et ses acquis.
Vous prétendez vouloir vous attaquer aux polluants éternels (PFAS), ces substances toxiques qui contaminent nos sols, nos rivières et notre santé. Mais vous refusez d’imposer une interdiction. Vous attendez l’Europe.
Pourtant, nous savons déjà que ces substances sont extrêmement dangereuses, et plusieurs pays européens ont pris des mesures bien plus fortes.
De nouveau, la campagne semble bien lointaine. Fini les Engagés et le MR qui tapent du poing sur la table pour mettre fin à ces substances nocives. Maintenant, on attend. On ne sait pas quand, on ne sait pas quoi. Mais on attend.
Pourquoi attendre ? Pourquoi ne pas interdire immédiatement leur utilisation et accélérer la dépollution ?
Visiblement, à l’école royale militaire, les intérêts des lobby ont été bien défendu alors que celles et ceux qui se préoccupent de l’avenir de notre planète n’ont pas été invités.
Quand l’histoire jugera cette décennie, elle ne retiendra pas les belles phrases sur la « compétitivité ». Elle retiendra que nous avions une opportunité d’agir et que votre gouvernement l’a sabotée.
Chers collègues, la promenade de santé, une promenade vers une société prospère et en bonne santé , était et est encore possible :
- En mettant fin aux 15 milliards de subsides aux énergies fossiles ! et surtout pas en augmentant le soutien aux aéroports comme vous le prévoyez ;
- En enlevant les autorisations pour les produits remplis de PFAS et de TFA qui sont cancérigènes et qui sont des perturbateurs endocriniens avérés par la science ;
- En refinançant la SNCB, puisque le train est l’innovation technologique qui peut nous libérer de la voiture ;
- en développant un vrai mix énergétique durable, à un prix abordable, en renforçant notre indépendance énergétique.
Santé en danger
« Les Belges n’ont pas intérêt à tomber malade. »
La santé, nous nous accordons toutes et tous ici pour dire que c’est la chose la plus précieuse. Quand quelqu’un va à l’hôpital, on lui demande sa carte d’identité et pas sa carte de banque.
Mais l’accord de majorité est limpide : ils voudraient nous faire croire que ce n’est malheureusement plus possible de soigner tout le monde correctement, que ça coûte trop cher. On est au moins d’accord sur une chose. ça, ce n’est pas une promenade de santé.
La réforme que vous nous proposez est une réforme idéologique.
Les Belges attendaient pourtant certains partis au tournant aussi sur la santé. Aujourd’hui, le décalage entre ces promesses et la réalité est flagrant. Et ça, Monsieur Prévot, ce n’est en effet pas pour votre parti que vous deviez l’obtenir, mais pour votre pays.
Le Bureau du Plan recommande une augmentation annuelle moyenne de 3,2 % du budget pour répondre aux besoins d’une population vieillissante.
Or, que fait votre gouvernement ? Il plafonne la hausse du financement à 2 % pendant deux ans, avant de la faire remonter progressivement. C’est un sous-financement déguisé.
Vous connaissez les conséquences : moins d’argent pour les hôpitaux et moins de personnel. Vous les assumerez.
L’un des autres axes forts de votre politique, c’est une répression contre les malades de longue durée. Aider les personnes à retourner vers l’emploi quand c’est possible, c’est une très bonne chose. Mais ce qui prédomine dans cet accord, c’est une logique du bâton et …. du bâton.
Le médecin traitant devient le « contrôleur-fliqueur » de son patient en vue de sa remise à l’emploi ; alors que la vocation des médecins, c’est de soigner, pas de dénoncer.
Le « point de signalement » – qui est en fait un point de délation – que vous proposez fera du médecin un suspect potentiel, qui pourra être dénoncé par un employeur qui le jugerait trop protecteur envers ses patients. Les mutualités aussi y passent : elles seront sanctionnées si elles ne remettent pas suffisamment de malades au travail.
D’autres choix sont pourtant possibles pour que notre système de santé reste solidaire et efficace.
Prenons le secteur pharmaceutique. Lui, il a passé un bon week-end en découvrant l’accord. Lui qui creuse un véritable gouffre dans la Sécurité sociale. Mettre l’industrie pharmaceutique à contribution aurait permis de dégager des marges budgétaires sans pénaliser les patients.
Quant aux infirmières, elles n’ont plus besoin d’applaudissements, elles ont besoin de conditions de travail dignes. Lutter contre la pénurie dans les soins de santé, c’est offrir à ces professionnels des salaires justes, des horaires soutenables et du respect pour leur métier et les acteurs qui en découlent.
Chers collègues, il existe déjà des solutions qui fonctionnent et que vous refusez de voir. Les maisons médicales prouvent chaque jour qu’on peut soigner autrement, de manière globale, préventive et accessible. Ce modèle est un véritable win-win : les patients ne reportent plus leurs soins et, au final, c’est la Sécurité sociale qui gagne.
Injustice sociale
« Ce gouvernement se trompe de poches. »
Hier, le Premier Ministre nous a annoncé le pire. Si nos finances publiques ne suivent pas le régime prescrit, notre pays court à la faillite.
Vous avez de la chance, Monsieur De Wever, d’avoir l’air sérieux. Parce que si quelqu’un d’autre osait avancer des chiffres aussi fantaisistes sur les potentiels “effets retour”, il serait la risée de la presse belge et européenne. Qui peut sincèrement croire vos prévisions sur le taux d’emploi, 3 fois plus optimistes que celles du Bureau du Plan ?
Si vous voulez vraiment arriver à un taux d’emploi de 80%, sanctionner et punir, ça ne fonctionne pas. Il faut au contraire donner une chance à celles et ceux qui sont les plus éloignés du marché de l’emploi : les femmes, les personnes issues de l’immigration et les chômeurs âgés.
Aussi, comment est-ce possible d’ignorer dans vos calculs les conséquences des réductions de dépenses publiques et d’investissements ?
En effet, l’austérité que vous proposez ne répond ni à la catastrophe climatique ni à l’urgence sociale, et vos coupes auront également des conséquences néfastes pour la soutenabilité des finances de la Belgique. La gestion de l’extrême pauvreté coûte beaucoup plus cher que de simplement permettre à chaque individu de subvenir à ses besoins vitaux.
Votre dogmatisme risque de nous coûter très cher.
Le Mouvement Réformateur, lui, avait promis pendant la campagne de défendre la classe moyenne. Mais comme le dit l’adage, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Fuite après fuite, une chose est apparue clairement : le MR n’avait qu’un seul objectif dans ces négociations – éviter à tout prix que les spéculateurs, les multi-millionnaires et les rentiers ne contribuent à l’effort. Mission accomplie!
Alors oui, après des années de blocage, la Belgique se dote enfin d’une taxe sur les plus-values. C’est l’une des rares bonnes nouvelles de cet accord. Mais soyons honnêtes : avec un taux parmi les plus bas d’Europe et un seuil de 10 000 euros, ceux qui vivent des revenus du capital plutôt que de leur travail peuvent continuer à dormir tranquilles.
Certaines fuites évoquaient une augmentation de la taxe sur les comptes-titres – une taxe qui concerpenne les comptes bancaires de plus d’un million d’euros. Mais dans l’accord final, plus aucune trace. Encore une victoire pour le Mouvement des Riches. Résultat : 200 millions d’euros de manque à gagner.
Pire encore, au lieu de mieux les imposer, vous prévoyez des cadeaux aux multinationales pour un total de 1,5 milliards d’€ d’ici 2029.
Pendant que des milliers de personnes, surtout des femmes, vont sentir cette réforme dans leur chair. Elles auront faim. Elles auront froid.
Et qui paiera la facture à la place des épaules les plus larges ?
- Les femmes et surtout les mères, en rognant sur les périodes assimilées pour la pension. Si une femme prend une pause dans sa carrière pour s’occuper de ses enfants, elle sera injustement pénalisée.
- Les veuves, en supprimant les pensions de survie. Comment allez-vous expliquer à plus de 50 000 femmes qu’elles ne pourront plus toucher la pension de leur mari décédé et devront vivre dans la précarité ?
- Les travailleurs âgés, en durcissant les fins de carrière. Un homme pauvre sur trois à 67 ans est déjà mort. Nos grands-parents ont mieux à faire que se tuer au travail : s’engager dans une association, garder leurs petits-enfants, profiter de leurs vieux jours.
- Nos militaires, nos enseignants, nos pompiers, nos cheminots, qui subiront une double peine : un métier épuisant, une vie à servir notre nation. Et maintenant, on change les règles : plus aucune possibilité de partir plus tôt !
Toutes mesures confondues, la classe moyenne et les plus précaires vont contribuer pour 8,2 milliards – 16x plus que les épaules les plus larges – avec ces réformes liées au marché du travail, aux pensions et avec la suppression de l’enveloppe bien-être contre.
Le Mouvement Réformateur avait aussi construit la campagne sur la promesse de revaloriser le travail. Du travail, dans votre accord, il en est effectivement question. Pas pour le valoriser, mais pour le rendre plus pénible et moins rémunérateur. Nous avons tous dans notre famille, chez nos proches, des personnes qui travaillent de nuit, des boulangers, des serveurs, des infirmières, des éducateurs spécialisés, des gardiens de nuit. A qui essayez-vous de faire croire que travailler entre 20h et minuit n’est pas du travail de nuit ?
Les salaires de tous les travailleurs vont stagner avec le maintien de la loi de 96. Votre gouvernement restera dans l’histoire comme celui qui a été fort avec les faibles, et faible avec les riches.
Pourtant, une politique économique alternative était possible. Plutôt que choisir l’austérité, nous aurions pu aller chercher l’argent là où il se trouve réellement :
- Supprimer les dépenses néfastes subsides aux énergies fossiles : 15 milliards
- Faire une vraie réforme fiscale qui impose les revenus du capital au même niveau que ceux du travail : 6 milliards
- Une vraie taxation des plus-values boursières : 2 milliards.
Les femmes mises à mal
« Une écrasante majorité d’hommes à la table des négociations, que des hommes au kern: on voit le résultat. »
Monsieur le Premier Ministre, à quand faut-il remonter pour retrouver si peu de femmes dans un gouvernement ? Madame Verlinden a raison : ce n’est pas l’image qu’on devrait donner en 2025.
C’est d’ailleurs pour cela que les écologistes ont soumis à ce Parlement une révision de la Constitution pour garantir la parité au sein du gouvernement. Si comme vous le dites “c’est dommage et ce n’est pas élégant”, alors j’espère que vous soutiendrez ce texte.
J’ai déjà évoqué tout au long de mon intervention les atteintes spécifiques aux conditions de vie des femmes de vos réformes socio-économiques. Manifestement, les réalités des femmes vous échappent totalement. Vous les imaginez oisives, en train de se la couler douce chez elles, tranquille. Alors qu’elles pallient à tous les manques de la société gratuitement : enfants, personnes âgées, malades, handicapées, travail domestique qui permet aux hommes de faire carrière.
Quand on parle des droits des femmes, on ne peut évidemment pas faire l’impasse sur le droit à l’avortement.
Il y a quelques mois, un groupe d’experts aux profils variés a mené une analyse scientifique et pluraliste de la situation.
Leur conclusion est sans appel :
- Le délai de réflexion de 6 jours n’a aucune justification.
- Le délai légal doit être porté à 18 semaines pour éviter d’envoyer des femmes aux Pays-Bas ou, pire, les pousser à avorter dans des conditions mettant leur santé en danger.
- Et enfin, ce droit doit être inscrit dans la Constitution, pour garantir qu’aucun retour en arrière ne soit possible.
Et pourtant, une fois de plus, les chrétiens-démocrates flamands tiennent le pays et le Parlement en otage, cédant aux pressions de quelques ultra-conservateurs qui refusent d’écouter la science.
Je vous le dis déjà : nous voulons la mise en œuvre des recommandations des experts et la sécurisation de ce droit dans la constitution.
Un gouvernement brutal
La première chose à laquelle j’ai pensé en terminant la lecture de cet accord, c’est à sa brutalité. Cet accord est brutal. Brutal pour les plus vulnérables, brutal pour nos libertés.
- Vous augmentez les budgets de la défense, mais vous coupez dans la coopération au développement.
- Vous remplissez encore plus nos prisons, mais vous diminuez d’un quart les moyens d’UNIA.
- Vous durcissez les conditions pour obtenir la nationalité belge, comme si l’intégration devait être un parcours d’obstacles.
- Vous by-passez la concertation sociale mais vous empêchez ceux qui ne sont pas d’accord avec vous de l’exprimer dans la rue.
- Vous imposez des portiques d’accès aux quais des gares, tout en fermant les petites gares.
Mais surtout, vous ne supportez pas ceux qui ne pensent pas comme vous. Votre vision de l’État de droit, c’est contrôler, exclure, punir, bâillonner. Un projet de société qui ne laisse place ni à la solidarité, ni à la nuance, ni à la contradiction.
Un communautaire qui ne dit pas son nom
« Bruxelles et la Wallonie sont vendues par Bouchez et Prévot aux nationalistes flamands. »
Monsieur De Wever, j’ai quand même un peu d’empathie pour vous, qui devenez 1er ministre d’un pays dont vous avez toujours souhaité la disparition. Elles sont loin, les années où vous pouviez traiter les Wallons de « junkies ».
Vous voir accéder à cette fonction aujourd’hui a un goût très particulier quand on connaît votre engagement de toujours en faveur du nationalisme flamand. Je vous cite : « Mon objectif est que la Belgique disparaisse sans que personne ne s’en aperçoive. » Et vous y parvenez. Insidieusement, méthodiquement, vous attaquez ce qui fait le cœur de l’État fédéral pour mieux le démanteler, pièce par pièce.
En conclusion
J’arrive tout doucement à la fin de mon intervention. Celles et ceux qui nous écoutent ont peut-être peur.
Et je l’avoue, moi aussi j’ai peur. En tant que femme, en tant qu’écologiste et en tant que wallonne.
Mais rien n’est écrit d’avance. Ce gouvernement veut que nous nous sentions impuissants. Il compte sur la sidération, la division, le cynisme et la peur. Il dévoile en un coup une série de décisions injustes et brutales pour que nous nous sentions acculés de tous les côtés. Ils veulent que nous nous sentions incapables de changer le cours des choses. Ne leur donnons pas cette satisfaction.
On va se battre ! Je ne peux pas vous promettre que nous gagnerons toutes les batailles. Mais il y aura des victoires, et chaque victoire sera importante. Car aussi petites soient-elles, elles montreront qu’une alternative est possible.
- Parce que si on arrive à leur faire comprendre qu’il est anormal que des entreprises déversent des polluants dans nos sols et nous empoisonnent, alors peut-être qu’ils finiront par les interdire.
- Et s’ils interdisent ces polluants, peut-être qu’ils ouvriront enfin les yeux sur ceux qui n’ont d’autre choix que de consommer des aliments bon marché, contaminés.
- Et s’ils se posent la question de pourquoi ce sont souvent ceux qui travaillent le plus dur qui mangent ces produits toxiques, peut-être qu’ils réfléchiront aussi à pourquoi ils sont si mal payés.
- Et là, peut-être qu’ils se rendront compte qu’il n’est pas normal qu’une femme de ménage paie plus d’impôts qu’un milliardaire.
- Et peut-être comprendront-ils que ce sont justement ces milliardaires et leurs grandes entreprises qui polluent nos sols, notre eau, notre air.
- Et enfin, ils verront ce qui est évident : notre pays a besoin d’une transition écologique urgente, financée par ceux qui en ont les moyens, et qui ne laisse personne sur le côté.
Non, il n’y a pas de fatalité. L’austérité n’est ni juste, ni efficace. Oui, il y a une alternative. La transition écologique et solidaire est l’alternative :
- Parce qu’elle respecte notre planète et tous ceux qui y vivent;
- Parce qu’elle réduit les inégalités;
- Parce qu’elle rémunère tout le monde de manière juste;
- Parce qu’elle fait revivre notre démocratie.
Alors à celles et ceux qui doutent, à celles et ceux qui désespèrent, je veux dire une chose :