Prise de parole le 28 novembre 2025 dans le cadre du vote de confiance du gouvernement De Wever pour l’année 2026. Vous pouvez retrouver le compte-rendu intégral de la séance plénière ici.
Bonjour à toutes et tous. C’est à moi qu’incombe la lourde tâche de reprendre ces discussions après une courte nuit. D’ailleurs, tout le monde n’a pas réussi à se lever pour venir nous rejoindre ce matin.
Chers collègues, nous avons déjà eu beaucoup de discussions pendant les heures qui viennent de s’écouler. Pour commencer, j’aimerais rétablir un fait que les partis de la majorité tentent de nier: un budget, c’est toujours un choix politique. Quand on vous écoute, on vous entend presque nous dire: « Ne tirez pas sur le messager, nous n’avions pas le choix! » Mais, chers collègues, c’est toujours un choix. Un budget n’est jamais neutre. Il décrit, il raconte le monde que nous voulons construire, le monde que vous voulez construire.
J’aimerais m’adresser à ceux qui vont subir les mesures injustes de votre gouvernement, monsieur De Wever. Quand vous ne rallumez pas le chauffage parce que vous avez peur des factures, c’est la conséquence directe de décisions de ce gouvernement.
Quand on demande à votre amie qui est en chimiothérapie quand elle pourra revenir au travail, c’est la conséquence de décisions de ce gouvernement.
Quand, en tant qu’enseignante, votre salaire reste bloqué pendant qu’on vous oblige à travailler deux heures de plus sans aucune compensation, c’est le résultat d’un mépris pour votre métier et de leur admiration pour les plus privilégiés. Ce sont des choix politiques.
La bonne nouvelle dans tout ça, car il y en a une, c’est que cela signifie que des alternatives existent, que ce n’est pas une fatalité et qu’un autre budget serait possible pour que chacune et chacun puisse bien vivre en Belgique.
Quand j’écoute les citoyens, dans le bus, dans le train, sur les piquets de grève, je sens que nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas vouloir de ce modèle qui épuise, qui punit, qui contrôle, qui surveille, qui produit pour produire, sans fin, qui épuise sans égard pour les limites des corps ou de la planète.
Ce que ce gouvernement refuse de voir, c’est qu’aujourd’hui, les jeunes générations veulent un travail qui a du sens. Quand le Forum des Jeunes leur demande pourquoi ils choisissent un employeur plutôt qu’un autre, c’est l’ambiance de travail et les valeurs humaines de l’entreprise qui sont les critères les plus cités, bien devant les perspectives salariales.
Vous, au lieu de sentir et d’accepter, de vous appuyer sur cette lame de fond, vous tentez de la modifier, de l’arrêter à tout prix. Ce que je vois arriver, c’est que vous allez vous heurter à ce changement brutalement, violemment. C’est cela qui va mener à l’échec de tous les plans que vous faites sur la comète.
Vous annoncez vouloir résoudre une crise de 2025 avec des recettes des années 1990. Comme Mme Thatcher, vous cherchez des coupables, vous désignez des boucs émissaires, vous stigmatisez, vous méprisez les mouvements sociaux et vous giflez plutôt que de tendre la main.
Face à cela, je suis convaincue qu’il faut remettre le capital humain et naturel au centre de nos préoccupations. On ne peut pas prétendre vouloir préserver les pensions de nos enfants et de nos petits-enfants tout en se fichant de leur capacité à respirer un air sain, à se nourrir ou tout simplement à vivre dignement. C’est incohérent et c’est malhonnête.
J’affirme au contraire que la qualité de vie, aujourd’hui et demain, doit redevenir la finalité du politique et de l’économique. Notre cap, c’est la suffisance, la prévoyance, la soutenabilité et le fait de pouvoir mener une vie digne. Pour chaque choix injuste, il y avait un choix juste, et c’est ce que je vais vous démontrer.
Premièrement, nous allons un peu parler climat, quand même, parce qu’on ne peut pas dire que nous en ayons beaucoup parlé au cours des dernières heures. Ce gouvernement confond transition et punition. Tout ce que vous faites avec des micro-mesures climatiques, c’est tenter de remplir les caisses. Vous ne tentez absolument pas de répondre à l’enjeu de ce siècle.
Vous décidez d’augmenter les accises sur le gaz pour diminuer celles sur l’électricité. En fait, ce qui va se passer, c’est que vous prenez au piège des personnes qui n’ont absolument rien mal fait, alors que vous les punissez. Ce sont des gens qui, dès le 1er janvier 2026, vont avoir une augmentation de facture, sans pouvoir changer quoi que ce soit à la réalité des faits. Un locataire, qu’a-t-il comme responsabilité dans l’installation présente dans son immeuble? Aucune. Quand une personne précaire est propriétaire de son appartement mais n’a pas les moyens de changer l’installation, où sont les aides, où est l’accompagnement, où est la transition dans cette manière d’agir? Je ne les vois pas.
Dans ce cadre, ce qu’il aurait fallu faire et qui n’a pas été fait, ce sont des plans d’accompagnement, un plan massif d’isolation par quartier, le renforcement du soutien à la rénovation. Au lieu de cela, qu’avons-nous vu au niveau des régions? La suppression de ces aides.
Deuxième pilier, ce sont les politiques en matière de santé. Vous traitez la santé comme une simple ligne comptable, mais vos politiques sont totalement incohérentes. On ne comprend pas vos objectifs, parce que vous utilisez le budget de la santé comme une menace. Vous devez vous attaquer aux maladies et à leurs causes, pas aux malades eux-mêmes. Ce qu’on voit ici, ce n’est pas une politique de santé, c’est une politique d’abandon.
Aujourd’hui, dans votre discours, les malades sont clairement la cause de tous les maux de cette société. Ils portent carrément un cinquième de l’effort de ce budget.
Ce que je constate, c’est qu’à aucun moment, vous ne vous demandez pourquoi certaines personnes sont malades. Vous instaurez un régime de suspicion et de punition généralisé envers les médecins; envers les malades qui seront sanctionnés s’ils ne retournent pas au travail suffisamment vite à votre goût; envers les employeurs qui vont se retrouver à devoir payer les quatre premiers mois de maladie de leur employé absent, qu’ils aient une responsabilité dans cette maladie ou non – c’est complètement incohérent; envers les mutualités et l’INAMI qui devront fonctionner sur base de la coercition pour virer des malades du système d’allocations, sous peine de sanctions financières. C’est eux ou nous, se disent-ils.
Le ministre de la Santé nous dit qu’à politique inchangée, les malades de longue durée augmenteront jusqu’à 680 000 personnes. Mais en quoi ces nouvelles politiques proposées vont-elles faire en sorte qu’il y ait moins de malades? C’est une question que je vous pose. Alors, oui, il y aura moins de personnes sur l’assurance maladie, mais cela ne signifie pas que ces personnes seront moins malades.
Quand on voit l’obsession de votre gouvernement pour multiplier les heures supplémentaires, les flexi-jobs, les jobs étudiants en plus des études… Ce sont des politiques qui vont épuiser la population, épuiser les corps et qui vont les rendre malades, et donc avoir un impact sur le système de santé.
Cerise sur le gâteau, vous avez aussi décidé d’augmenter la TVA sur les activités sportives. Quel est le sens de cette mesure ? Le sport est l’un des piliers de la prévention: « Pour être en bonne santé, faites du sport. » Je ne comprends pas le message que vous souhaitez envoyer à la population en augmentant cette TVA.
Chers collègues, en Belgique, nous avons besoin d’un vrai plan, guidé par une boussole, celle de s’assurer que chaque enfant né dans notre pays puisse grandir dans un environnement sain et ne tombe pas malade au cours de sa vie. Cela passe par des plans de prévention. Un euro investi dans la prévention, c’est quatre euros économisés plus tard dans le système de soins de santé. Mais que fait la Région wallonne? Elle coupe dans les politiques de prévention de l’Agence pour une Vie de Qualité (AVIQ). Vingt-huit millions, chers amis des Engagés, ont été coupés dans les politiques de prévention au niveau de la Région wallonne. On ne peut prétendre vouloir faire en sorte qu’il y ait moins de malades en Belgique, d’une part, et couper dans les politiques de prévention, d’autre part. Je suis désolée.
Concernant la question de l’environnement sain, on voit également à quel point les préoccupations en matière de non-exposition de la santé des citoyens à des substances nocives ne font absolument pas partie des plans de ce gouvernement, ce que je regrette profondément. En effet, à côté des chiffres, il y a des maladies, telles que les cancers, qui vont toucher des personnes et leurs familles. C’est là un objectif que vous devriez tenter d’atteindre.
Par ailleurs, on n’entend jamais parler non plus de l’accès aux soins. Énormément de personnes reportent des soins, que ce soit par manque d’argent ou de temps pour certaines mères célibataires jonglant avec des agendas impossibles, ou parce qu’aucun rendez-vous n’est disponible avant des mois. C’est là encore un objectif en matière de soins de santé totalement absent des politiques que nous voyons ici se mettre en place.
Troisième pilier: la question de l’emploi. Nous avons déjà longuement parlé de votre vision de l’emploi avec le ministre Clarinval, et je ne la comprends pas. C’est une vision qui va droit dans le mur et qui est totalement en inadéquation avec les critères extrêmement élevés que vous imposez pour pouvoir avoir accès plus tard à une pension complète.
Lorsque vous multipliez les flexi-jobs – des postes qui, par définition, sont occupés par des personnes qui ont déjà un emploi –, que vous multipliez les jobs étudiants – occupés donc par des étudiants –, que, dans le même temps, vous supprimez environ 2 500 emplois dès 2026 via la réforme APE (d’après les premières prévisions), que la réforme de l’enseignement fera passer à la trappe 1 500 emplois d’enseignants et qu’enfin, vous comptez sur 24 000 offres d’emploi, dont moins d’un quart en CDI, pour 240 000 demandeurs d’emploi en Wallonie, je ne comprends pas comment vous pouvez espérer la remise à l’emploi de toutes ces personnes que vous stigmatisez et excluez de l’assurance chômage, compte tenu de la dégradation de la situation économique, avec plus de 15 000 emplois détruits par des faillites au cours des premiers mois de cette année.
Dernier élément, et c’est le nouveau pilier amené sur la table par ce budget 2026, l’augmentation générale du coût de la vie. Ce budget, c’est la classe moyenne qui le ressentira pleinement. Vous décidez en effet d’organiser une hausse globalisée du coût de la vie tout en faisant stagner les revenus le plus possible. L’exemple le plus parlant, c’est bien sûr ce fameux saut d’index qui touchera un travailleur sur deux. Dès 2 600 euros de salaire net, vous êtes considéré comme trop riche pour avoir accès à un index progressif. Pour un pensionné, la situation est encore pire: celui qui touche 1 700 euros de pension est « trop riche » et voit son index gelé.
Tout cela se produit dans un contexte d’augmentation prochaine du coût de la consultation médicale, d’alourdissement des démarches administratives au niveau local à la suite de décisions au niveau régional, d’explosion du coût de l’immobilier ainsi que du prix des loyers, lequel a déjà augmenté de 6,2 % depuis le début de l’année. Ainsi, un appartement mis en location à 945 euros en janvier est dès aujourd’hui mis en location à plus de 1000 euros. Si personne ne s’attaque à cette tendance, si personne ne s’attache à faire en sorte que chacun et chacune puisse se loger dignement, nous serons confrontés à un problème énorme, peu évoqué mais qui aura des impacts en matière de précarité, en matière de santé, en matière de vie digne tout simplement. Donc, on ne peut ignorer de tels aspects structurants et prétendre vouloir geler les salaires. Cela va uniquement provoquer une précarisation générale de la population.
Et puis, vous avez également décidé de taxer le sel de la vie, monsieur le premier ministre. Manger une frite, aller à la foire avec ses enfants, faire du sport, participer à une activité récréative avec ses enfants le week-end, tout cela deviendra tout simplement un luxe. Se rendre à un festival avec ses amis va devenir tout bonnement impayable en raison des charges que vous allez imposer sur les campings et sur les food-trucks. Certains festivals qui sont encore accessibles aujourd’hui, parce qu’ils se serrent déjà la ceinture, vont peut-être devoir mettre la clef sous la porte.
Ce que vous voulez, monsieur le premier ministre, c’est une vie aussi terne et austère que vos costumes. Vous voulez imposer à la population une vie austère, faite de travail, mais pas de plaisir.
Avec ce gouvernement, les seuls pour qui la vie continue d’être légère, fun, colorée, ce sont les ultra-riches qui eux vont pouvoir continuer à polluer, prendre un jet privé et saccager notre planète. Eux pourront continuer à faire exactement ce qu’ils veulent, épuiser les travailleurs, les faire travailler de nuit sans supplément, etc.
Sur ce volet également, systématiquement, un choix juste a été écarté. Si vous aviez voulu une mesure efficace, vous auriez pu décider d’imposer les revenus du capital de la même manière que le travail. Un euro, un euro, on les taxe de la même manière. Cela vous aurait rapporté 6,5 milliards par an, mais vous avez refusé de le faire. Vous auriez pu instaurer une véritable taxe sur les grandes fortunes qui aurait pu vous rapporter quatre milliards par an.
J’ai un peu l’impression d’assister depuis deux jours à un grand jeu de cache-cache. Personne n’assume, personne ne sait vraiment répondre à tout ce qui se trouve dans tous ces tableaux. Vous espérez clairement que tout cela soit vite derrière vous. Encore hier soir, vous avez essayé de nous contraindre à tenir tous ces débats en pleine nuit, quand il n’y a pas grand monde qui regarde, afin que ça ne dure pas trop longtemps et que vous puissiez passer à autre chose. (Rires)
Simultanément, on voit une publication sponsorisée des Engagés sur le site du Soir qui annonce quoi? Une diminution du prix de l’électricité. Mais soyez honnêtes avec la population! Annoncez en même temps l’augmentation du prix du gaz.
Chers collègues, je vais conclure pour laisser la place à mon collègue Stefaan Van Hecke, qui est impatient de pouvoir également vous adresser quelques mots. Lorsque vous vous inscrivez dans une logique de suspicion permanente, de contrôle, lorsque vous appuyez sur la part égoïste, la petite bête méchante que nous avons tous en nous, et que vous cherchez à stigmatiser des boucs émissaires pour excuser certaines de vos décisions peu reluisantes, je pense que vous passez à côté d’une richesse énorme que nous avons ici en Belgique.
Notre population est généreuse, altruiste et courageuse. Nous avons vu pendant les inondations à quel point cette solidarité s’est mise en mouvement: nous avons vu arriver des Flamands pour soutenir les populations en région liégeoise. Nous l’avons également vu pendant le covid, quand les soignants se levaient chaque matin en bravant la maladie pour venir aider et soigner des personnes malades. Encore aujourd’hui, nous le voyons chaque jour, avec des aidants proches qui, sans un euro de plus, s’occupent et prennent le relais de l’État auprès d’une personne malade ou en situation de handicap.
On voit des grands-parents qui, mieux que partout ailleurs en Europe, s’occupent et prennent soin de leurs petits-enfants pour permettre aux parents de travailler. Nous avons donc une population qui se lève chaque matin pour aller travailler, qui a envie d’aider son prochain, qui est là, qui est mobilisée.
Plutôt que de voir ce verre à moitié plein, de vous appuyer sur cet élan, sur cette richesse, vous choisissez de voir toujours le verre à moitié vide. Cela va nous mener dans le mur, alors que vous devriez plutôt vous mettre dans une perspective d’accompagnement et vous appuyer sur cette population qui est prête à se lever chaque matin pour aller travailler. Je vous remercie.

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