Lettre au Gouvernement pour l’alerter sur les risques croissants de violences domestiques liées au confinement et pour l’inciter à prendre des mesures contre ces violences.
Monsieur le Ministre Geens, Monsieur le Ministre De Crem, Madame la Ministre De Block, Madame la Ministre Muylle,
En tant que parlementaires fédérales, nous vous adressons cette lettre afin de vous faire part de notre profonde inquiétude quant à la probable augmentation de la violence intrafamiliale liées aux mesures de confinement auxquelles notre pays se soumet actuellement afin de ralentir la propagation du COVID-19.
Si ces mesures sont nécessaires, nous tenons à souligner qu’un foyer n’est pas un endroit sûr pour tout le monde. En Chine, les rapports sur la violence intrafamiliale montrent qu’elle a doublé depuis que le confinement à domicile a été instauré. Les ONG de défense des droits humains soulignent que nos efforts pour lutter contre la pandémie ne doivent pas affaiblir l’attention que nous portons aux droits et aux besoins des victimes de violence domestique.
Dans notre pays, la violence intrafamiliale est un phénomène répandu qui touche en très grande majorité les femmes et impacte aussi les enfants en tant que témoins ou victimes. Plus de 46.000 plaintes sont déposées chaque année, et les associations ont recensé 107 féminicides en Belgique depuis 2017. Ces derniers jours, plusieurs experts ont tiré la sonnette d’alarme quant à l’augmentation probable de ces violences dans les semaines à venir. La tension liée à la situation que nous vivons aujourd’hui, ajoutée à la promiscuité soudaine des membres d’une même famille, peuvent conduire à une apparition ou une aggravation des épisodes de violence au sein des foyers. Les juges d’enfants ont déjà signalé l’urgence des situations des enfants vulnérables.
Nous demandons donc au gouvernement de veiller à ce que les ressources nécessaires continuent d’être affectées aux services dont dépendent les victimes de violence intrafamiliale, en particulier les femmes et les enfants, tels que les examens de santé, les lignes d’assistance téléphonique, les refuges et autres initiatives visant à lutter contre la violence de genre.
Nous vous demandons donc, dès à présent, de prêter attention aux éléments suivants :
- garantir l’accès à la police, afin que de nouvelles plaintes puissent être déposées facilement, et sensibiliser la police à l’importance ce phénomène en augmentation ;
- s’assurer que les victimes aient accès à des informations précises pour se mettre hors de danger de préférence regroupées en un point central, par exemple le 0800 30 030 ;
- émettre une directive de politique criminelle à l’attention des procureurs généraux établissant que le suivi des plaintes pour violence fait partie des priorités;
- veiller à ce que les affaires urgentes soient traitées par les tribunaux, par les juges d’instruction et par les parquets, notamment en ordonnant des mesures d’éloignement temporaire de l’auteur ;
- garantir la supervision par la police, par exemple en cas d’éloignement du domicile ou de libération conditionnelle;
- garantir l’accès à un hébergement d’urgence aux personnes victimes de violences en s’assurant, avec les communautés, qu’une offre suffisante est disponible, et en contribuant à l’élargissement de l’offre via la mise à disposition des bâtiments de la régie fédérale;
- garantir le fonctionnement des centres de prise en charge des violences sexuelles et, si nécessaire, les rendre accessibles aux victimes de violences conjugales non sexuelles ;
- garantir le droit à l’avortement, en permettant aux planning de continuer de fonctionner et en s’assurant que les hôpitaux continuent de les prendre en charge ;
- garantir l’accès à la contraception en levant l’obligation de détenir une ordonnance pour s’en procurer.
- octroyer des dérogations aux hotels et chambre d’hôte qui voudraient ouvrir pour accueillir des victimes de violences.
Le gouvernement fédéral, en collaboration avec les gouvernements des communautés et des régions, doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les femmes et les enfants victimes de violence connaissent leurs droits et puissent entrer en contact avec les services d’urgence et les autorités et être mis hors de danger.
En vous remerciant des efforts que vous fournissez pour traiter cette question urgente, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les Ministres, à l’expression de nos sentiments respectueux.
Sarah Schlitz, députée fédérale Ecolo
Jessika Soors, députée fédérale Groen